Allamma Internationale est une association dédiée au développement local et à la médiation sociale par la promotion culturelle, créée par le flutiste soudanais Ghandi Adam. Entre 2017 et 2021, j’ai assuré la coordination de ses activités. Nous regroupions des artistes et artisans de tous bords, pour soutenir les actions des associations de solidarité dans Paris et sa proche banlieue. Avec sa formation musicale le Lamma Orchestra et au moyen de workshops et d’évenements festifs, nous facilitions la rencontre entre les pratiques et les traditions venues du monde entier, la mutualisation des ressources et le développement du réseaux des individus et des organisations locales.

Cet article présente les valeurs et les principes qui ont conduit nos actions.
Le contrat social en crise
La société industrielle moderne est connue pour favoriser l’effritement des solidarités traditionnelles : les vieux, les pauvres, l’éducation, des jeunes, tout doit être pris en charge par l’état, laissant l’individu, en vertu de son autonomie, en position de solitude.
Rien n’est plus significatif de la modernité à cet égard que le traitement réservé aux personnes âgées, dont les conditions de vie sont dénoncées depuis longtemps, sans cesse et de façon réitérée. De ce point de vue, les pays occidentaux sont la risée des pays dits “en voie de développement”, où les solidarités familiales sont restées fortes et où, de toute façon, les états sont souvent incapables d’assumer une quelconque solidarité sociale.
À l’ère du numérique, les réseaux sociaux viennent recréer un semblant de vivre-ensemble qui ne va pas non plus sans poser de questions quant à la solidité des liens tissés.
On sait pourtant, en anthropologie, qu’un individu n’existe qu’en vertu des relations dans lesquelles il s’inscrit, qui lui apportent reconnaissance et agentivité.
Faire peuple(s)
Après une période de faste croissance où la société industrielle capitaliste a pu apparaître comme porteuse d’espoir de libération et de mieux-vivre universel, on retombe aujourd’hui dans un période critique. Les crises s’accumulent : économique, migratoire, sociale, crise des valeurs, crise écologique, résultant au final en une crise de l’ordre politique qui, pour y faire face, durcit ses postures et ses modes d’action.
La société civile pourtant se tient à l’affût et les modes d’organisation collective se renouvellent, des collectifs aux entreprises solidaires et sociales. Ils s’organisent notamment autour des étrangers, non pas plus nombreux mais de plus en plus visibles et visés par la xénophobie et les populismes.
Avec Allamma internationale, nous partions d’abord de l’idée que ces populations sont les plus en danger, parce qu’elles viennent réveiller une violence latente dans nos sociétés, dont pâtissent déjà ceux qu’on appelle les exclus. Mais nous portions surtout l’idée que ces nouveaux arrivants amènent avec eux les racines d’un rapport social plus solidaire, d’une empathie, créée non seulement par leur histoire culturelle, leurs attachements traditionnels, mais aussi par leur parcours migratoire lui-même, qui les a fait traverser des difficultés, dépendre des autres, souffrir la méchanceté des gens et célébrer la bonté.
Comme disait ce travailleur de SOS Méditerranée :
“Le plus impressionnant ce ne sont pas les morts, mais la joie d’être en vie des vivants”
De cette force nous voulions enrichir notre vie collective, la reconnaître et nous soumettre à son enseignement. Recevoir en donnant, c’est le mot de passe des associations de solidarité.

Cultiver l’humanité
Nous pensions que nos société ont besoin d’espace de rencontre, de reconnaissance, de communauté affective et émotionnelle. Nous pensions qu’aucune activité plus que la culture n’offre les moyens de créer du lien par delà les différences d’opinion, de pratiques, de langue. La musique est un exemple primordial qui dépasse les clivages pour toucher tous les individus.
Allamma internationale voulait montrer que la souffrance peut-être effacée par la joie, l’humiliation par la création, la solitude par le partage, et qu’aucune réticence ni aucun préjugé ne sont insurmontables. L’art, en permettant l’expression des particularisme dans un langage universel, peut créer une communauté d’affection qui ne renie pas la diversité.
Nous visions à offrir à chacun de valoriser son capital culturel, pour poser les cadres d’une reconnaissance collective de notre patrimoine d’humanité.
Ma participation à cette aventure s’est conclue en 2021 par l’organisation d’une soirée en hommage aux révolutions arabes, avec Hind Meddeb, l’Institut du Monde arabe, le Trianon, le Paris-New York Heritage Festival et le Collectif MIXBROS.
