Marion
Porry

Je suis née en Martinique, au cœur de l’héritage socio-historique des empires coloniaux. Comme la plupart des jeunes de ma génération j’ai émigré en France pour étudier. J’ai vécu 20 ans à Paris, puis je me suis installée à Marseille en 2022.
Parcours
À l’université, j’ai parcouru un large spectre des sciences humaines : sciences politiques, philosophie, démographie, puis anthropologie, et psychanalyse. Depuis le début, une question méthodologique m’oriente : les outils dont je dispose me permettent-ils véritablement de comprendre l’humain ? Quelle définition de l’humanité me permettra de saisir sa nature et d’y trouver ma place ?
C’est-à-dire que je doutais franchement que mes contemporains, et a fortiori mes ascendants, aient eu accès aux meilleurs outils pour se représenter l’être humain. Je cherchais en quelque sorte la clé qui leur aurait manqué pour comprendre et organiser la société humaine un peu plus conformément à sa nature, à la mienne. J’étais persuadée que le problème était de savoir, de méthode. Qu’une plus grande rigueur intellectuelle permettrait enfin de penser l’universel véritable, ancré dans l’expérience. Qu’elle garantirait qu’on évite les terribles écueils dont l’Histoire m’avaient instruite… Comme l’Esclavage dont, en ligne directe, on m’assignait l’héritage. Je cherchais une justification effective de l’universalité humaine, par delà l’école et le catéchisme.
Perspective
Malgré mon intransigeance et ma naïveté, j’ai construit peu à peu “une vision du monde”. Je me suis donné une représentation de la logique des relations humaines, pour comprendre comment s’articulent les déterminismes qui nous conduisent. Ils forgent à la fois notre société et la pensée qu’on en a.
C’est cette perspective qui m’oriente aujourd’hui. Je l’ai construite à partir des travaux d’intellectuels tels que : Patrice Loraux, Michel Foucault, Bruno Latour, Bruno Karsenti ; Georg Simmel, Marcel Mauss et Jacques Lacan ; Hervé Le Bras, Margarita Xanthakou, Jean-Luc Jamard et Enric Porqueres I Gené.
J’ai longtemps cheminé dans leurs pas, parfois à contre-courant. Puis j’ai finalement délaissé les raisonnements théoriques et les institutions académiques pour me tourner vers “la pratique”.
Dans ce voyage de l’abstraction à la matière, de la pensée au monde des corps, c’est le chant qui m’a conduite. Je souhaitais poursuivre ma quête du sens et de la vérité de la parole dans l’environnement réel, vivant. Cheminant toujours à la recherche de l’universel, j’ai exploré les manière et les matières de la pratique vocale : répertoire lyrique, Flamenco, d’Amérique du Sud et du Soudan…
J’ai mené, dans les domaines des arts, des projets à vocation solidaire pour faire l’épreuve du commun auquel peuvent appartenir tous les êtres humains. J’y ai rencontré des artistes, penseurs et activistes sensibles aux rapports que ma perspective permettait d’établir.
SACHE
En 2022 j’ai créé le S.A.C.H.E. — Service d’Accompagnement du Capital Humain Expérientiel à partir de la thèse que la parole est le principal vecteur des liens sociaux. J’y poursuis l’idée que l’expérience phénoménologique véhiculée par le langage, dans les corps, constitue la dynamique motrice de nos sociétés.
Les dispositifs d’enregistrement sonore, de montage et d’écoute collective sont autant de moyens de mettre à jour les dynamiques invisibles qui traversent nos paroles pour nous rassembler. Je crois que c’est ainsi, en capturant les déterminismes qui nous conduisent, en les observant, que l’on se rend capable de les orienter. Avec SACHE, le podcast n’est pas un simple média : c’est un espace d’expérimentation démocratique, où l’universel procède du récit qui articule collectivement nos expériences singulières.
Le podcast a transformé ma pensée théorique en pratique de l’écoute. Il me permet de montrer les ressorts par lesquels la parole humaine structure les collectifs et les institutions. En mettant en lumière ces forces qui rassemblent les individus, je veux permettre à chacun de se les approprier, pour que l’on sache ensemble conduire une transition sociétale.
